Le 22 juin, la Commission européenne a proposé une nouvelle loi relative à la restauration de la nature, avec des objectifs novateurs juridiquement contraignants et 100 milliards d’euros pour les États membres de l’UE afin de restaurer 20 % des terres et des mers dégradées de l’UE d’ici 2030. La proposition de règlement est considérée par de nombreux défenseurs de la nature comme le premier texte législatif majeur de l’UE sur la biodiversité depuis la directive “Habitats” de 1992 et devrait avoir des répercussions importantes au-delà de l’UE, y compris en Méditerranée.

L’objectif principal de la proposition de la Commission est de restaurer les écosystèmes naturels dégradés, en particulier ceux qui ont le plus de potentiel pour éliminer et stocker le carbone et pour réduire l’impact de la pollution industrielle, de la mauvaise agriculture, de l’érosion et du changement climatique.

Cette décision a été prise à un moment où l’Europe, en particulier la région méditerranéenne, est confrontée, une fois de plus, à de vastes incendies au Portugal, en Espagne, en France et en Grèce, et est frappée par des conditions météorologiques extrêmes : l’Italie a été touchée par de graves sécheresses et des pénuries d’eau avant même le début de l’été, tandis que des pluies torrentielles ont provoqué de graves inondations en Espagne. Aujourd’hui, 81 % des habitats protégés de l’UE sont en mauvais état, selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE). Les crises alimentaire et énergétique qui émergent de la guerre en Ukraine renforcent la nécessité de s’adapter aux effets du changement climatique aux niveaux national, régional et mondial. Le deuxième rapport sur les perspectives mondiales des terres, publié récemment, est le rapport le plus complet qui ait été produit jusqu’à présent sur la dégradation et la restauration des terres. Il réaffirme la nécessité d’une action urgente en matière de restauration des écosystèmes, de changement climatique et de conservation de la nature, étant donné que l’homme a déjà transformé plus de 70 % de la surface terrestre de son état naturel.

Les objectifs proposés s’appliquent à chaque État membre de l’UE, et complètent les lois existantes :

  1. Inverser le déclin des populations de pollinisateurs d’ici 2030 et augmenter leurs populations à partir de là,
  2. Aucune perte nette d’espaces verts urbains d’ici 2030, une augmentation de 5 % d’ici 2050, un minimum de 10 % de couverture arborée dans chaque ville, village et banlieue d’Europe, et un gain net d’espaces verts intégrés aux bâtiments et aux infrastructures,
  3. Dans les écosystèmes agricoles, augmentation globale de la biodiversité et tendance positive pour les papillons des prairies, les oiseaux des terres agricoles, le carbone organique dans les sols minéraux des terres cultivées et les caractéristiques paysagères à haute diversité sur les terres agricoles,
  4. Restauration et ré-humidification des tourbières drainées utilisées à des fins agricoles et dans les sites d’extraction de tourbe.
  5. Dans les écosystèmes forestiers, augmentation globale de la biodiversité et tendance positive pour la connectivité des forêts, le bois mort, la part des forêts irrégulières, les oiseaux forestiers et le stock de carbone organique,
  6. Restauration des habitats marins tels que les herbes marines ou les fonds sédimentaires, et restauration des habitats des espèces marines emblématiques telles que les dauphins et les marsouins, les requins et les oiseaux marins,
  7. Supprimer les barrières fluviales de façon à transformer au moins 25 000 km de rivières en rivières à écoulement libre d’ici 2030.

La loi de restauration sera examinée par le Parlement européen et le Conseil conformément à la procédure législative ordinaire et, bien qu’elle ait déjà pris du retard, elle pourrait être adoptée d’ici la fin de l’année sous la présidence tchèque. Si elle est adoptée, elle obligera les États membres à élaborer, dans un délai de deux ans, des plans nationaux de restauration afin de décider ce qu’il convient de restaurer et comment le financer.

MIO-ECSDE considère la nouvelle loi européenne sur la restauration de la nature comme une étape très importante et limitée dans le temps pour combattre la triple crise planétaire de la pollution, du changement climatique et de la perte de biodiversité, toutes des questions d’une importance et d’une pertinence énormes pour la Méditerranée. L’inclusion des écosystèmes forestiers et des zones marines (en particulier, les herbiers et les fonds marins) parmi les sphères d’intervention de la loi et l’approche ascendante de la planification de la restauration par les États membres sont deux points positifs.

Cependant, MIO-ECSDE a identifié certaines faiblesses (qu’il a également intégrées dans la consultation publique de la Commission sur les objectifs de restauration de la nature dans le cadre de la stratégie de biodiversité de l’UE) et propose quelques recommandations afin de faciliter la mise en œuvre de la législation et de ne pas la limiter à un vœu pieux :

  • Il n’est pas évident dans quelle mesure les efforts à fournir par les États membres seront différents, compte tenu des caractéristiques nationales et régionales (écosystèmes, richesse de la biodiversité, endémisme, etc.).
  • Nous craignons que le fait de donner trop de liberté aux États membres entraîne des retards et un manque d’action efficace au niveau national.
  • La proposition doit mieux refléter le fait que la restauration nécessite une coopération entre les régions européennes avec une base juridique solide.
  • La nécessité d’une participation publique et de dispositions de consultation pour le développement des plans de restauration nationaux doit être renforcée dans la proposition afin de garantir l’ouverture et l’inclusion dans leur formulation.
  • L’imprécision des effets cumulatifs de la mise en œuvre de la loi sur les différentes parties prenantes et les différents secteurs (pêcheurs, agriculteurs, propriétaires fonciers, gestionnaires de forêts, industrie, énergies renouvelables, etc.)
  • L’adaptation au changement climatique et les plans, politiques et pratiques de gestion intelligente des incendies doivent être pris en compte lors de la fixation des objectifs afin de garantir l’absence de détérioration des écosystèmes après leur restauration.
  • La nouvelle loi devrait définir clairement les mécanismes de financement et faciliter la participation des ONG et des autres acteurs intéressés à cette entreprise.
  • L’applicabilité de l’objectif global de 20% pour 2030 doit être mieux clarifiée. Seule une véritable restauration de zone devrait être prise en compte dans la réalisation de cet objectif, tandis que les “compensations” terrestres pour l’absence de restauration marine devraient être évitées.

La législation proposée s’inscrit dans le cadre de la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes, menée par le PNUE et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, et constitue la principale contribution de l’Union européenne aux négociations en cours sur le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020, qui doit être adopté lors de la quinzième Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, qui se tiendra à Montréal du 5 au 17 décembre prochain.